J'ai rencontré Cubano et sa propriétaire, Lorenza en 2016.
Ce beau brun arriva de son Andalousie natale l'année précédente, avec quelques cicatrices témoignant d'un passé sans doute un peu chaotique.
Son charisme indéniable fît fondre Lorenza, qui rencontra rapidement des difficultés grandissantes : Cubano était si tendu et explosif qu'il devenait difficile de le monter . Le moment du montoir était le plus critique, Cubano cherchant systématiquement à se décharger de ce qui l'inquiétait tant : son cavalier. Malgré un tempérament plutôt sociable, toute manipulation devenait délicate : agitation permanente, réations démesurées, défenses, etc.
Nous avons entrepris ensemble un travail de rééducation comportementale, englobant la gestion du physique, du mental, et de l'émotionnel de Cubano.
Les premières séances ont permis d'instaurer à pied les bases d'une communication commune , compréhensible par l'homme comme par le cheval, pour pouvoir évoluer avec un minimum de sécurité et d' attention.
Le langage verbal est alors quasiment absent, le dialogue passe par le langage corporel et la notion de timing qui lui est associée, la gestion de l'espace, l'utilisation du focus et de l'énergie... toutes ses notions sont à la portée du cheval puisqu'elles correspondent à ce que les chevaux utilisent entre eux pour communiquer, de manière plus subtile et complète qu'avec le langage sonore ( secondaire chez les équidés ).
Cubano craignant chaque geste venant de l'être humain,et présentant beaucoup de stress au travail, il a fallu dès le départ instaurer un climat de confiance, pour pouvoir obtenir son attention, indispensable à son apprentissage.
La désensibilisation consiste alors à proposer au cheval d'autres solutions que la fuite et l'alerte ( réponses naturelles pré-programmées ), et nous permet de lui apprendre à gérer ses émotions, à nous faire confiance et à réfléchir avant d'agir.
Cubano a révélé un tempérament assez affirmé qui s'est exprimé au fur et à mesure que ses craintes diminuaient ; un cadre clair et bienveillant à été instauré et lui a permis de trouver sa place . Il fût alors possible d'évoluer vers des demandes de plus en plus précises et complexes.
Le mise en place de la selle a ensuite été intégrée aux séances, afin de désensibiliser Cubano a la présence de celle-ci sur son dos, chose assez inquiétante pour lui à l'époque ( agitation, tensions physiques ).
Le montoir à été amené progressivement en fin de séance, une fois les sensations données par la selle bien acceptées de Cubano. En lui proposant cet exercice en fin de travail, avant de quitter la carrière, cela permet de lui donner envie d'aller au montoir, il a associé le montoir à l'arrêt du travail, et devient donc plus motivé à la tâche.
C'est ce qu'on appelle en éducation éthologique le concept de fin, utile lorsque vous souhaitez apprendre quelque chose de nouveau à votre cheval, notamment un exercice complexe ou délicat.
" Pour que notre idée devienne son idée ."
Cubano venant se positionner de lui-même à coté du montoir, acceptant que l'on s' assoie sur son dos dans le calme, le travail monté a pu être abordé, en filet et en licol éthologique .
L'objectif étant de lui rendre la présence du cavalier confortable tout en gardant le contrôle de ses pieds, le cadre de travail se devait d'être rassurant et clair.
Chaque demande a été ré-apprise séparément, avec un code précis, avant de pouvoir recombiner les différentes demandes vers des mouvements plus complexes.
Ainsi, j'essaie de faire en sorte que chaque tâche paraisse facile à Cubano, pour qu'il gagne en confiance en lui et en motivation dans nos échanges. Le travail doit le mettre en situation de réussite, en s'adaptant à son niveau en un instant T, pour qu'il ne perde pas sa curiosité naturelle et son envie de faire.
Une fois que nos attentes et actions sont mieux comprises, "Cuba" se concentre davantage sur son cavalier, se relâche physiquement ( extension d'encolure aux trois allures, progressivement ), et commence à utiliser son corps correctement, la locomotion s'améliore.
De longs ébrouements et mâchouillages ponctuent de plus en plus les séances, signe que le seuil de vigilance redescend, que le relâchement s'installe .
Les exercices sont amenés progressivement : Travail avec une rêne, puis deux rênes, flexions et cessions diverses, déplacements latéraux, connexion à l'assiette du cavalier,passage d'embûches variées .
Le travail en liberté fait également partie intégrante de la rééducation de Cubano, qui d'ailleurs semble y prendre de plus en plus de plaisir. Pour le bonheur de Lorenza, qui a beaucoup évolué ,comme son cheval, dans l' apprentissage éthologique.
Cela leur a permis de développer le lien de fond , de prendre confiance l'un en l'autre et de nouer une belle relation .Les "règles du jeu" ont été expliquées au départ avec tact et bienveillance , pour pouvoir évoluer en sécurité, et après plusieurs semaines d'entraînement, Lorenza et Cubano on récemment présenté leur premier spectacle lors de la fête annuelle des Ecuries du Soleil ( Pont-Royal -84).
Un beau moment d'émotion partagée par le public... quand le lien est invisible et pourtant bien réel... L'expérience fût si positive que le duo pense déjà à la suite....!
Nous vous tiendrons au courant de la suite des événements !
La recherche d'une relation juste et harmonieuse est une quête perpétuelle, rien ne doit être pris pour acquis ...
La confiance se perd bien plus vite qu'elle ne se gagne, tâchons de cultiver les liens précieux qui nous unissent aux chevaux et qui nourrissent tant nos âmes humaines.